Les élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin prochains pourraient remettre en cause l’interdiction de vente de véhicules thermiques neufs en 2035. Tandis qu’une réévaluation est prévue pour 2026, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) plaide pour un report de l’application. Un assouplissement des objectifs de réduction des émissions de CO2 qui pourrait entrainer un tournant pour l’avenir de l’automobile à l’heure où la transition vers le tout électrique est déjà engagée.
L’opposition du plus grand parti politique de l’Union européenne
Et si le scepticisme des acheteurs quant au coût des voitures électriques et les contraintes d’utilisation venaient finalement à l’emporter sur les préoccupations environnementales ?
Plus grand et plus ancien groupe du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE) milite pour une élimination plus progressive des moteurs à combustion (essence et diesel) sur le Vieux Continent.
Par la voix de son président Manfred Weber, le PPE – qui regroupe entre autres des partis de droite d’inspiration démocrate-chrétienne et libérale-conservatrice – prévoit en effet une révision du calendrier en 2026.
Chef de file de la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière), l’Allemand pointe du doigt les désavantages concurrentiels de cette mesure dans un rapport publié sur la situation de l’électrique en Europe, des stations de recharge, de l’hybride rechargeable ou encore de l’utilisation des carburants de synthèse (e-fuels).
Des sondages réalisés lors des deux premiers trimestres 2023 projettent notamment que le PPE et l’alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D) obtiennent le plus grand nombre de sièges.
Un résultat qui placerait le parti en position de force afin de soumettre un report de l’interdiction et promouvoir des carburants synthétiques – produits à partir d’une synthèse de carbone et d’hydrogène vert – et fabriqués à base d’électricité renouvelable (ou bas-carbone) tels que les e-gazole, e-essence, e-kérosène et e-méthanol.
Des électro-carburants qui offrent aujourd’hui – avec le carburant issu de la biomasse – une solution alternative pour défossiliser le transport et l’industrie et ainsi atteindre la neutralité carbone.
La baisse des aides ralentit les ventes de véhicules électriques
Même si le marché de la voiture électrique a connu une croissance spectaculaire l’an passé dans l’Union européenne (14.6% de part de marché), l’engouement pour ce type d’énergie faiblit en ce début d’année.
La suppression fin 2023 des aides à l’achat en Allemagne (principal marché européen) alliée au coup de rabot sur le bonus écologique (réduction de 1 000 € pour les ménages les plus aisés) ou encore la suspension du dispositif de leasing social en France ont notamment pénalisé le secteur automobile en pleine transition électrique.
Autant de mesures susceptibles d’engendrer un vieillissement accru du parc automobile thermique, alors que l’âge moyen des véhicules en circulation atteint déjà 11.8 ans en France.
Qualifiée d’“havanisation” (”effet Havane”), la possibilité de voir les Européens continuer à utiliser leur voiture thermique durant des décennies – à l’image du parc automobile de la capitale cubaine – cristallise donc toute l’attention.
Malgré ce risque, de nombreux acteurs de l’industrie automobile se sont progressivement éloignés du moteur à combustion et ont ajusté leur production en investissant de façon massive en faveur du véhicule électrique.
Même si l’interdiction de vente de voitures thermiques neuves dès 2035 n’a jamais bénéficié d’un véritable consensus à l’échelle européenne (opposition de l’Italie, de la Bulgarie et de la Pologne), la mesure a déjà eu un impact significatif en affectant constructeurs automobiles et autres équipementiers.
Si Renault a récemment indiqué qu’aucune décision prise dans les prochains mois ne pourrait désormais changer la donne, Audi a également précisé que la marque aux anneaux achèverait la transition du moteur à combustion vers l’électrique en 2033, soit deux ans avant la date butoir.
Un retour en arrière paraît donc peu probable et seule la piste de l’assouplissement du calendrier – allié à une utilisation des carburants de synthèse – semble à l’heure actuelle toujours privilégiée.